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Des déchets au service d’un béton plus « vert »

Comment faire pour s’inscrire pleinement dans la transition énergétique et écologique quand on appartient à l’une des industries les plus émettrices de CO2 ? C’est cette équation difficile que s’attache à résoudre Heidelberg Materials en recourant notamment à des combustibles alternatifs pour remplacer les énergies fossiles à l’étape de chauffe des matériaux.

Quelque 17,5 millions de tonnes de ciment ont été produites en France en 2021, une production énergivore (1 200 000 TEP/an) et génératrice d’émissions de CO2.

Dans le même temps, la filière aval du bâtiment produit 45 millions de tonnes de déchets par an, que la loi française du 17 août 2015 relative à la transition écologique pour la croissance verte invite à mobiliser via le recyclage. Il s’agit de réduire l’impact environnemental de l’industrie en lui permettant d’une part d’économiser des ressources naturelles et en substituant d’autre part des combustibles alternatifs aux énergies fossiles, coûteuses, non renouvelables et polluantes. Une double voie sur laquelle Heidelberg Materials s’est engagée voilà déjà plusieurs années avec pour objectif de réduire ses émissions de CO2 par tonne de ciment de 47 % d’ici à 2030 par rapport à 1990 et tendre vers le zéro émission sur le béton d’ici à 2050. Concrètement, cela signifie « faire baisser l’empreinte carbone des cimenteries françaises de 620 kg de CO2 par tonne de ciment à 400 kg d’ici à 2030, précise Jean-François Bricaud, directeur Performances et Développement industriels. C’est ambitieux mais réaliste. »

Et c’est là qu’entrent en scène tout une série de combustibles alternatifs comme des farines animales, des pneus, des liquides issus de l’industrie chimique, mais aussi, de plus en plus, des combustible solides de récupération (CSR), une catégorie de déchets solides non dangereux, au fort pouvoir calorifique, valorisables en tant que combustibles pour faire fonctionner les fours des cimenteries : papiers, cartons, déchets bois issus de la filière Ecomaison (anciennement Éco-mobilier)…

Dans les sept usines Heidelberg Materials, ces CSR, broyés très finement, viennent ainsi progressivement remplacer coke de pétrole et charbon, qui compte pour 55 % dans le mix énergétique mobilisé pour produire le clinker, constituant principal du ciment. « La production de clinker nécessite beaucoup d’énergie car ses composants, l’argile et le calcaire, doivent être chauffés à 1 400 °C, souligne Jean-François Bricaud. Actuellement les CSR représentent 20 % de notre mix énergétique. Notre ambition est de porter leur part à 60 % à 70 % d’ici à 2030. »

Des objectifs ambitieux et rapides

C’est sur cette étape de chauffe des matériaux, qui représente un tiers des émissions des usines, qu’Heidelberg Materials ambitionne les résultats les plus rapides en termes de décarbonation. Une part des 600 millions d’euros investis par l’entreprise pour faire baisser son empreinte environnementale sur la période 2020-2026 leur sont d’ores et déjà alloués, dirigés prioritairement vers quatre usines : la cimenterie de Couvrot (Châlons-en-Champagne, Marne), où les CSR ont atteint en 2023 70 % du mix énergétique ; celle de Bussac-Forêt en Charente-Maritime qui devrait dépasser, quant à elle, les 80 % d’ici à fin 2024 ; celle d’Airvault (Deux-Sèvres), dont l’objectif est de 90 % à fin 2025 ; et celle de Beaucaire (Gard) enfin.

« Nos sept usines sont en ordre de marche sur cette thématique énergétique », insiste Jean-François Bricaud qui précise : « La décarbonation est au cœur de notre stratégie d’entreprise car la production de CO2 impacte notre activité. Nos émissions sont comptabilisées chaque année, déclarées et soumises aux règles du marché du carbone européen. »

Si la valorisation énergétique des déchets est un levier important de la décarbonation de la production de ciment, la valorisation matière l’est moins. Les deux tiers des émissions d’Heidelberg Materials sont liés à la décarbonatation du calcaire dont est issu l’indispensable clinker. Or à ce jour, seule une partie de ce clinker est substituable par d’autres matières (laitiers*, cendres volantes, argiles calcinées,…) pour la production de ciment. Le recours à des matières de substitution, dont des déchets recyclés, atteint là ses limites. Pour aller plus loin dans la décarbonation, des technologies de rupture comme la captation de carbone devront prendre le relais pour atteindre la neutralité promise sur le béton en 2050.

C’est dans cette perspective que les premières usines du groupe Heidelberg Materials bénéficiant de technologie de CCS** permettant de capter le CO2 voient le jour comme à Brevik en Norvège dès fin 2024.

 

* Ici, un sous-produit de la production de l’acier.

** Carbon Capture and Storage

Chiffres clés

20 % : La part des combustibles solides de récupération (CSR) dans le mix énergétique d’Heidelberg Materials en 2023.

60 % à 70 %  : La part des CSR ambitionnée à l’horizon 2030. 

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